ARRIVÉE À "BON" PORT.

"Chargés de fers et de chagrins" ce sont des corps meurtris et couverts de fers qui entrent dans Marseille par la porte d'Aix. Puis ils franchissent la monumentale porte de l'arsenal.

Les forçats sont d'abord "exposés" sur une des deux terrasses de l'arsenal où les maîtres des galères viennent apprécier la "bonté" des chaînes.

Les prisonniers sont évalués et classés suivant les mêmes critères que les esclaves: bons, beaux, mauvais ou honnête espérance.

Ensuite l'écrivain du 5 ème bureau aidé de deux commis et d'un ou deux copistes (des forçats doués d'une belle main), examine les documents concernant le transfert, et les comptes-rendus de justice. Tout est enregistré dans les moindres détails. C'est le seul endroit où règne l'ordre et l'on peut y savoir en un instant tous les renseignements sur la chiourme.

Les forçats sont parqués sur la "vieille Réale" Galère désaffectée qui sert d'hospice et de dépôt pour les apprentis galériens.

C'est là que les condamnés déclinent, devant l'écrivain, identité et état, souvent faussés par leur analphabétisme ou leur mauvaise volonté. Un matricule est attribué à chacun d'eux.

Les forçats ne sont pas encore devenus des galériens, car ils doivent passer entre les mains du barberot le forçat coiffeur et infirmier qui leur rase le crâne. Puis ils abandonnent leurs habits de liberté ou pour le moins ce qu'il en reste. Certain ayant vendu leurs vêtements au fripier pour qui c'était une excellente affaire.

Puis ils reçoivent leur trousseau comprenant deux chemises de toile "sayette", deux caleçons de toile "estoupière", une paire de bas de cordillat gris ou rouge, une casaque de cordillat rouge et un bonnet de laine rouge, le tout renouvelé chaque année. De plus il touchaient une capote "capot" remplacée tous les deux ans. La chiourme de la Réale recevait des casaques de cordillat bleu.

Les tissus étaient ouvrés dans la manufacture de l'arsenal, puis coupés et cousus par des forçats tailleurs.

Cet équipement est théorique car peu des malheureux reçoivent cet équipement et doivent se débrouiller pour ne pas se retrouver nus.

Voir ce placet des galériens auprès du secrétaire d'état à la marine.

"Les Chiourmes des galères du Roy vous remontrent très humblement qu'il n'y a pas dans toute Lurope, qui soit aussi mal que celle du Roy; nous avons veu dans ce port les galeres de sa sainteté ; elles sont incomparablement mieux en capots que nous, en casaques et linge et bonnet et bas que nous. Il n'y a qu'à voir nos habis pour juger que nous avons à faire aux plus grands voleurs qu'il y est dans tout l'univer, qui déshonorent le Roy et vous monseigneur... L'on dit que les galères du Roy ne sont bonnes qu´à tuer les poux.

A SUIVRE: QUI ÉTAIENT LES GALÉRIENS.